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Thème de cette édition :
Réflexion 🧠 L’art, miroir des époques
Leçons tirées 📚 des Maîtres de la Renaissance
Censure et scandale ❌ La feuille de vigne
Artistes 🌈 Inspiration Renaissance
Petit mot 🙋♀️ doux
Temps de lecture : 8 minutes
Nous sommes simultanément acteurs et spectateurs dans une société en constante évolution, ce qui affecte notre perception de l'art dans un monde inondé d'images et d'informations. La définition de l'art s'élargit, comme l'indiquait Donald Judd en 1966, où l'auto-déclaration suffit pour qu'une œuvre soit considérée comme artistique.
Cette mini-série d’écriture intitulée 🧠 “L’art, miroir des époques” que je vous propose, explore comment à travers l'histoire, chaque période a eu son art souvent incompris par son public, tout en ayant une influence durable sur l'art actuel.
Vous avez manqué l’art, miroir de l’époque antique et médiévale, cliquez en bas de cette newsletter sur “précédent”. Aujourd’hui, on parle de la Renaissance.
L’art de la Renaissance,
souvent perçu comme un apogée de la créativité et 📚 de l'innovation, a lui-même été le contemporain de son temps, bousculant les conventions et parfois incompris. Commençons par se remémorer brièvement les points importants de cette période charnière de l'histoire de l'art.
La Renaissance est née en Italie au XIVe siècle, dans un contexte de redécouverte des textes et de l'art de l'Antiquité. C'est une période de renouveau artistique, littéraire et scientifique, où l'humanisme devient le courant de pensée dominant, plaçant l'homme et la nature au centre de toutes préoccupations. C’est aussi l’époque des grandes découvertes et la naissance du capitalisme moderne.
° La Renaissance introduit plusieurs innovations majeures :
Dans l’art, la perspective linéaire inventée par l’architecte Filippo Brunelleschi (1377-1446) permet de représenter l'espace de manière plus réaliste, merveilleusement illustré par Léonard de Vinci (1452–1519) dans sa fresque "La Cène".
En peinture, c’est Masaccio (1401-1428), (triste histoire) âgé seulement de 20 ans, né en 1401 et mort à 27 ans qui est l’un des plus grands peintres pionniers de la Renaissance. Il est remarquable pour son réalisme et très doué pour peindre le corps humain en mouvement comme son “Adam et Eve” chassés de l'Eden par la colère de Dieu en collaboration avec le peintre Masolino (1383-1447), qui lui les représente au Paradis.
Un autre petit génie Andrea Mantegna (1431-1506) qui se révèle à l’âge de 17 ans et qui vénère les vestiges de l’antiquité, témoignera plus tard d’une grande habilité avec son trompe-l’oeil de personnages penchés au sommet de “la Camera degli Sposi” dans le Palazzo Ducale de Mantoue.
On doit à Léonard de Vinci, souvent décrit comme le symbole de l’esprit universel de la Renaissance, l’une des plus profondes réflexions théoriques “cosa mentale” liée à ses recherches sur la vision et l'optique, ainsi que sa technique du Sfumato employée magnifiquement dans “la Joconde”.
L'utilisation de la peinture à l'huile, invention attribuée à Jan Van Eyck (1390-1441) grand maître de l’Ecole flamande, révolutionne le réalisme des portraits intimistes et la technique picturale, offrant une plus grande richesse de couleurs et de détails, visibles dans les œuvres de Titien (1488–1576).
Le maître de la sculpture du Quattrocento reste Donatello (1386 -1466), dont l’influence sera immense jusqu’à Michel-Ange (1475-1564). L'étude approfondie de l'anatomie humaine permet également une représentation plus fidèle du corps, comme le montre la sculpture "David" créée par celui qui a su travailler le marbre comme personne nommé l’illustre Michel-Ange, dont le genre grandiose et mémorable, sa “maniera” deviendra la source même du maniérisme.
Des esprits brillants comme Copernic (1473-1543) et Galilée (1564-1642) redessinent la carte du cosmos, nous rappelant que nous ne sommes pas le nombril de l'univers. Des explorateurs comme Christophe Colomb (1451-1506), de Vasco de Gama (1460-1524) et Fernand de Magellan (1480-1521) repoussent les frontières du monde connu.
En musique, l’âge d’or de la polyphonie et son maître, célèbre compositeur Josquin des Prés (1450-1521) ouvrent de nouvelles voies pour aboutir à l’Opéra en 1600.
La diffusion des connaissances s'accélère grâce à l'invention de l'imprimerie par Gutenberg (1400-1468), permettant une propagation plus large des idées humanistes et textes antiques. Cela favorisa la naissance de la gravure révélant ainsi le célèbre graveur allemand Albrecht Dürer (1471-1528) et le graveur italien Marcantonio Raimondi (1480-1534) qui joua un rôle clé dans ce processus d'échange culturel. Le célèbre peintre Raphaël (1483-1520), qui au contact de Michel-Ange et de Vinci donne forme à l’idéal humaniste et au classicisme de la Renaissance, a d’ailleurs personnellement veillé à la reproduction de ses œuvres par ce biais, ce qui a fortement contribué à sa renommée et à la popularité de son style.
C’est une période propice à l'évolution du statut des artistes, qui sont passés de simples artisans à des figures centrales de la culture et du prestige de leur société, soutenus par leurs protecteurs les papes Jules II (1443-1513) et Léon X (1475-1521) et des mécènes comme la famille Médicis. En France, ce dynamisme rénovateur se révèle sous le Roi François 1er (1494-1547) qui a fondé le Collège de France et qui prône une nouvelle morale humaniste avec François Rabelais (1483-1494) et Michel de Montaigne (1533-1592).
Carrefour de tous les futurs de l’Europe, le XVIéme siècle se caractérise aussi par l'adoption de l'influence italienne et l'engouement pour l'Antiquité, visible dans l'embellissement des palais royaux avec des ornements classiques et dans l'architecture des châteaux de la Loire comme la fusion du style gothique avec des éléments italiens du “Château de Chambord”.
Cette période cruciale de l'histoire de l'art européen, s'étendant de 1400 à 1600 met en lumière comment, en s'inspirant de l'art de l'Antiquité et en intégrant des connaissances avancées en perspective mathématique et en techniques de peinture, les artistes de la Renaissance ont réussi à leur époque à créer des œuvres d'art exceptionnelles. Ces œuvres se distinguent par leur réalisme, leur attention au détail, leur dramatisme et les multiples niveaux de signification, caractéristiques tant de l'art religieux que profane de l'époque.
❌ Censure et scandale
La Renaissance a marqué le début de la transition vers les Temps modernes mais ces innovations n'ont pas toujours été bien reçues par l’église et par ses fidèles, encore très ancrés dans les valeurs médiévales et habitués à des représentations moins naturalistes. L'art de la Renaissance a souvent été jugé trop humaniste, voire hérétique.
Dans le contexte de la Contre-Réforme, l'Église catholique a cherché à réaffirmer son autorité et à imposer des normes de décence dans la représentation artistique, en particulier concernant la nudité, qui était jugée inappropriée ou offensante selon les critères moraux de l'époque. À l’image d’”Adam et Eve” qui dissimulent leur nudité sous une feuille de figuier après avoir mangé le fruit défendu prenant ainsi conscience de leur “indécence”.
L’église s’est alors engagée dans une campagne de censure, connue sous le nom de "Fig-Leaf Campaign" (La fameuse campagne de la feuille de vigne).
Initiée par le Pape Paul IV née Gian Pietro Carafa (1476-1559) promulguant l’attaque de l’Eglise contre la nudité dans l’art avec cette célèbre phrase :
“Même si c'était mon propre père qui était hérétique, je ramasserais du bois pour le faire brûler”
la campagne de la feuille de vigne a été symbolisée, à partir des années 1530, par l'ajout de feuilles ou d'autres éléments : voile de pudeur sur les parties génitales des sculptures ou en surpeignant les tableaux, les fresques sans se soucier du risque d’altérations de ces oeuvres.
Les exemples les plus célèbres de cette pratique sont l'ajout de "braghettes" (petits drapés) sur les nudités des fresques du "Jugement Dernier" de la Chapelle Sixtine peintes par Michel-Ange, “La Naissance de Vénus” de Sandro Botticelli (1445-1510) dont le sexe est caché soit par un tissus soit par sa longue chevelure flottante ou bien David de Michel-Ange qui fut affublé d’une guirlande composée de vingt-huit feuilles de cuivre autour de sa taille pour couvrir sa nudité.
Des historiens affirment que cette aberration continue avec le Pape Innocent X (1644-1655) et le Pape Clément XIII (1693-1769) qui ont recouvert entièrement la nudité de la statuaire du Vatican, puis le Pape Pie IX (1846-1878) qui lui, enlève complètement les organes génitaux des oeuvres, jusqu’à la Reine Victoria (1819-1901) qui fut tellement choquée par la nudité de la sculpture de “David” de Michel-Ange offert par le grand-duc de Toscane, qu’elle fit fabriquer vers 1857 un moulage de feuille de vigne en plâtre pour couvrir les parties génitales de ce bel homme sculpté.
La campagne de la feuille de vigne, critiquée de nos jours pour sa censure de l'art et sa vision négative du corps, reflète l'impact de la Contre-Réforme sur l'art et la culture. Avec le temps, même si les efforts de restauration ont visé à retirer peu à peu ces voiles de pudeur, et bien que cela présente de nombreux défis, cette censure perdure malgré tout dans certains musées et démontre certaines des attitudes médiévales et modernes à l'égard de la nudité intégrées comme, de nos jours, dans les politiques d'image sur les plateformes de médias sociaux.
Une tension réelle entre l'expression artistique et les normes morales religieuses, le débat est loin d’être clos.
🌈 Inspiration Renaissance
Explorons la manière dont certains artistes contemporains s'inspirent des œuvres classiques pour créer des œuvres uniques qui dialoguent avec le passé tout en étant profondément ancrées dans le présent. Des artistes contemporains comme :
Avec sa série intitulée "Sky Mirror", Anish Kapoor artiste plasticien britannique spécialisé dans l'art d'installation et l'art conceptuel reprend la fascination de la Renaissance pour la lumière et la forme. Un parallèle entre les découvertes de Galilée et les sculptures de Kapoor soulignent comment ces oeuvres invitent le spectateur à observer le monde d'une manière nouvelle et enrichie, grâce à la manipulation de la lumière et des réflexions.
L’artiste américo-nigérian, Kehinde Wiley, devenu célèbre depuis son portrait du 44ème président des Etats Unis, s’inspire de la peinture de la Renaissance que ce soient dans ses portraits actuels porteurs de la culture hip-hop ou en 2018 (voir photo). En mêlant le moderne et le classique, Wiley questionne ainsi la place des hommes de couleur dans l’Histoire de l’art ainsi que les notions de pouvoir et d'identité.
Cindy Sherman, dans sa série "History Portraits" également connue sous le nom de "Old Masters”, se réapproprie les portraits de la Renaissance avec ironie et critique sociale. En réinterprétant des œuvres d'art classiques, Sherman critique non seulement l'histoire de l'art mais aussi les valeurs et les idéologies qu'elle véhicule. Ses œuvres mettent en évidence les biais culturels et de genre présents dans l'art historique et questionnent la place des femmes dans l'histoire de l'art.
Inspiré par les peintres de la Renaissance et maîtrisant parfaitement la technique de la peinture à l'huile et l'énergie brute de l'improvisation du graffiti, l’artiste contemporain irlandais Conor Harrington utilise des figures qui rappellent les peintures historiques. Il crée ainsi un contraste saisissant entre l'ancien et le nouveau, le traditionnel et le contemporain. Harrington s'intéresse particulièrement à la façon dont les notions de pouvoir, d'identité, de masculinité, de conflit et d'honneur sont construites et perçues à travers le prisme de la culture et de l'histoire.
À travers sa série "Rebirth”, Florence D'elle, photographe belge autodidacte, propose une réflexion profonde sur la féminité, l'identité et la beauté. En capturant l'essence de femmes diverses, elle invite à une réinterprétation des canons esthétiques classiques et à une célébration de la diversité féminine. Son travail est un témoignage de la capacité de l'art à provoquer le dialogue, à éveiller les consciences et à enrichir notre perception du monde. Son engagement dans des sujets sociaux et personnels a été également souligné par son travail sur le cancer du sein, avec sa série "Amazones", qui a été publiée dans plusieurs magazines renommés.
La perception de l'œuvre sculpturale hyperréaliste en fil de métal du sculpteur français Alexandre Bour qui joue avec la transparence, le vide et les ombres portées, permettant une interaction unique entre l'œuvre, la lumière et l'environnement. Dans sa démarche artistique, Bour qui allie technique, poésie et interactivité, offre de nouvelles perspectives sur la sculpture et sur la manière dont l'art peut engager le spectateur dans une expérience esthétique et émotionnelle profonde à l’image de l’humanisme porté par la Renaissance.
Réflexion
La Renaissance, période de bouillonnement intellectuel et artistique, a posé les fondations de ce que nous considérons aujourd'hui comme l'art moderne. Revisiter les techniques de la Renaissance et les intégrer dans une pratique moderne peut ouvrir de nouvelles voies d'expression, de création et de réflexion. C'est en puisant dans le passé que nous pouvons construire un avenir artistique plus riche et plus diversifié.
Petit mot 🙋♀️ doux
Nous voici à la fin. J’espère que cette newsletter vous a plu.
Merci encore 💟 aux personnes qui me soutiennent en partageant cette newsletter à d’autres passionnés d’art ou en me mettant à chaque fois un petit 😍 avec leur coeur.
Et la semaine prochaine ?
Je vous ferai voyager à travers l’époque Baroque, où le dramatisme et l’exubérance éblouissaient autant qu’ils déconcertaient leurs spectateurs, sans oublier un regard contemporain sur quelques artistes qui s’inspirent de cette époque.
À dimanche prochain,
Cécile 💟
Merci Cécile pour ton regard riche et approfondi sur cette période magnifique mise en miroir avec les œuvres contemporaines.
C’est un plaisir pour moi de te lire.
En effet, la réapparition de corps sensuels dans la peinture de la Renaissance avec les mythes grecs a (Ohhhh my God!) choqué l’Eglise. Savonarole prêchait sur la place publique dénonçant la décadence du pouvoir. Et la censure a opéré au point de voir certains peintres revenir à une sorte de primitivisme….
Puis les peintres se sont interrogés…
Que faire après cette période si pleine de grâce et si féconde?…
Et il y a eu l’apparition du maniérisme italien, que j’adore!
Bon week-end
Florence