Merci de me rejoindre dans cette aventure intentionnelle Edition #4 de Horizons artistiques où votre soutien 💟 est la clé de voûte de ma motivation.
Thème de cette édition :
Réflexion 🧠 L’art, miroir des époques
Etude ⛪ Au temps du Moyen Âge
La symbolique 🐵 des motifs récurrents
Artistes 🌈 l’Art Médiéval inspire encore
Petit mot 🙋♀️ Et la semaine prochaine ?
Temps de lecture : 10 minutes
Nous sommes simultanément acteurs et spectateurs dans une société en constante évolution, ce qui affecte notre perception de l'art dans un monde inondé d'images et d'informations. La définition de l'art s'élargit, comme l'indiquait Donald Judd en 1966, où l'auto-déclaration suffit pour qu'une œuvre soit considérée comme artistique.
Cette mini-série d’écriture intitulée 🧠 “L’art, miroir des époques” que je vous propose, explore comment à travers l'histoire, chaque période a eu son "art contemporain" souvent incompris par son public, tout en ayant une influence durable sur l'art actuel.
Si vous avez manqué l’époque de l’Antiquité, cliquez en bas de cette newsletter sur “précédent”. Aujourd’hui, on s’attaque à la période Médiévale.
Au temps du Moyen Âge
où l'art évolue dans un contexte dominé par ⛪ l'Église avec l’engouement du plus grand et du plus fastueux, avec ses mythes et ses craintes pour s’élever au plus près du divin.
L'art roman, avec ses formes massives et ses figures stylisées, était la norme mais l'arrivée du gothique, avec ses lignes élancées et ses vitraux colorés a été une rupture radicale. La première cathédrale gothique, un titre souvent disputé entre
la Cathédrale Saint-Étienne de Sens en Bourgogne érigée en 1130 par l’archevêque Henri Sanglier et achevée en 1168, qui est la mère de Notre Dame de Paris, et
la Basilique Cathédrale de Saint-Denis près de Paris, sous l’impulsion de l’abbé Suger en 1140, représente un tournant majeur dans l'histoire de l'architecture et de l'art chrétien.
L'art médiéval était un terrain fertile pour l'expérimentation et l'innovation architecturale audacieuse dans les édifices sacrés. Les artistes de l'époque réalisaient des prouesses techniques grâce aux croisées d'ogives et à l'utilisation des arcs-boutants, qui ont permis d'atteindre des hauteurs vertigineuses. Ils ont utilisé divers médiums allant des enluminures aux sculptures monumentales, en passant par les vitraux colorés pour créer une nouvelle approche de l’espace intérieur et de la lumière.
Mais où va l’argent ?
Pierre le Chantre, chanoine de Notre-Dame et théologien important autour de 1200, dénonçait vigoureusement cette « maladie de construire » et considérait qu’il aurait mieux valu consacrer toutes ces dépenses aux pauvres.
Tant qu’au public de l’époque, il estimait que cette nouvelle esthétique s'éloignait trop des formes plus robustes et terre-à-terre de l'art roman.
Sans parler des scènes avec des saints et des martyrs dans tous leurs états, et tellement humains ! Ces représentations extrêmes et souvent sanglantes de figures sacrées, visaient à rapprocher les fidèles mais ces images fortes faisaient froncer les sourcils des spectateurs, tellement elles sortaient du lot et jouaient avec les codes de la beauté de l'époque.
Et que dire de l'architecture gothique avec sa complexité et son "algèbre mystérieuse" reflétant une possible difficulté pour le public médiéval à saisir pleinement les innovations artistiques et architecturales de leur temps.
Bref, l'art médiéval, c'était avant-gardiste, audacieux mais parfois un peu déroutant pour les amateurs d'art de l'époque.
Et pourtant la construction de la première cathédrale gothique a marqué le début d'une période de floraison architecturale en France, où les villes rivalisaient d'audace pour édifier des cathédrales de plus en plus hautes et plus majestueuses.
Avec ces petits repères, on ne visitera plus les églises de la même façon :
Après l’art Gothique (1140-1190) représenté par la Cathédrale de Saint-Eienne de Sens et celle de Saint-Denis, le style architectural s’amplifie et évolue vers
le Gothique Classique (1190-1240) avec l'ajout de labyrinthes dans les églises comme celles de Chartres et de Reims.
Puis on passe au Gothique Rayonnant (1230-1350) caractérisé par des façades occidentales à deux étages, des chœurs abbatiaux et de grandes fenêtres à vitraux qui émettaient des rayons de lumière, comme la Cathédrale Notre-Dame de Paris, la Sainte-Chapelle et le Palais de la Cité de Paris.
Et du rayonnant, on passe au Gothique Flamboyant (1350-1520) avec ses ornements exubérants et sa virtuosité dans la taille de la pierre comme La basilique de Saint-Nicolas-de-Port au sud de Nancy et La basilique Notre-Dame de l'Épine, près de Châlons-en-Champagne.
À partir de 1400, on parle de Gothique International. Ce style principalement décrit comme une phase tardive de l'art gothique, qui s'est développé à travers l'Europe, est plus caractérisé par son expression dans la peinture, la sculpture, et l'enluminure, que par des références à des édifices spécifiques comme des églises.
La symbolique 🐵
Je ne peux pas clore ce chapitre sur l’art médiéval sans parler de…
châteaux forts, princesses, chevaliers, dragons et licornes…qui étaient des motifs récurrents dans les enluminures, les tapisseries, les sculptures et les fresques. Ces figures, chargées de symbolisme, jouaient un rôle important dans la culture visuelle de l'époque, reflétant les croyances, les valeurs et les imaginaires médiévaux.
Les Chevaliers incarnaient les idéaux, tels que le courage, l'honneur et la protection des faibles. Ils étaient les protagonistes de nombreuses œuvres d'art, illustrant des récits épiques et des romans de chevalerie.
Les Dragons étaient souvent représentés comme des créatures maléfiques, symbolisant le chaos, le mal ou les défis à surmonter. Ils apparaissaient fréquemment dans les récits de saints chevaliers les combattant, comme dans l'histoire de Saint Georges terrassant le dragon.
Les Licornes, avec leur pureté et leur difficulté à être capturées, étaient des symboles de chasteté et de grâce divine. Elles étaient souvent représentées dans des chasses à la licorne, un thème populaire dans les tapisseries médiévales, comme celles de "La Dame à la licorne".
Au cours de mes recherches de la semaine, j’ai découvert un essai très intéressant, rédigé par Barbara Drake Boehm et Melanie Holcomb, Département d'art médiéval et des cloîtres du Metropolitan Museum of Art qui présentent le rôle et la représentation des animaux dans l'art médiéval que je vous résume en quelques points.
Cet essai explique comment les artistes de l'époque ont fréquemment représenté des récits bibliques impliquant des interactions humaines avec les animaux, tels que “la Création, l'Arche de Noé, Jonas et le grand poisson, ou Daniel dans la fosse aux lions.”
L'essai mentionne également la richesse de la symbolique animale dans la Bible, comme l'Esprit Saint descendant sur Jésus sous la forme d'une colombe. Il souligne l'humilité personnelle de Jésus, illustrée par son entrée à Jérusalem monté sur un âne le dimanche des Rameaux, un événement reconstitué annuellement dans les terres germaniques au Moyen Âge tardif.
L'essai évoque aussi la fascination des souverains médiévaux pour les animaux exotiques, comme Henry I d'Angleterre qui entretenait un zoo à Woodstock, ou Wenceslas de Bohême qui, lors d'une visite à Paris, demanda à voir les lions du roi Charles V. Les singes, considérés comme exotiques mais non féroces, étaient un sujet favori des artistes médiévaux, souvent représentés en train d'accomplir des tâches humaines.
Enfin, l'essai aborde la chasse, un thème courant dans l'art médiéval, notamment dans les biens de luxe destinés à une clientèle aisée, et décrit la fauconnerie comme un emblème de noblesse et un passe-temps aristocratique.
Si vous souhaitez lire l’essai dans son intégralité, voici le lien : https://www.metmuseum.org/toah/hd/best/hd_best.htm
⚔️ si vous appréciez les oeuvres de l’art médiéval, le musée national du Moyen-Age de Cluny présente une collection d’art et d’objets de la vie quotidienne si riche qu’on le présente comme le plus grand musée d’art médiéval au monde !
🌈 L’Art médiéval inspire encore
L'art médiéval et sa relation au sacré, souvent réduit à des stéréotypes mystiques, révèle une grande richesse et une complexité qui continuent de nous fasciner. Son influence dans l'art contemporain est un sujet d'intérêt croissant, comme le montrent les artistes actuels qui puisent dans l'imaginaire, les motifs et les thèmes du Moyen Âge pour enrichir et diversifier leur propre travail créatif.
S'appuyant sur les riches histoires des anciens druides qui vivaient autrefois près de son manoir anglais, l'artiste britannique Liam Manchester, revisite les vieux mythes de l’époque du moyen âge avec sa sombre sculpture en résine “L’ange de la mort”, en référence à la Faucheuse, symbole universel de la mort.
*Pour la petite anecdote, avez-vous regardé le couronnement de Charles III à la télé ou semble-t-il la Grande Faucheuse a été aperçue ? Cliquez ici, si vous ne me croyez pas!
Le vidéaste américain Bill Viola (né en 1951) au travers de ses œuvres d'art vidéo explore des thèmes métaphysiques tels que la vie, la mort, l'eau et le feu, souvent avec une présence quasi omniprésente de l'eau. Ses vidéos, décrites comme des tableaux en mouvement, utilisent le ralentissement et l'étirement du temps pour créer une expérience contemplative. L'exposition au musée La Boverie de Liège, par exemple, a présenté en début d’années ses vidéos comme des expériences spirituelles où l'on est confronté à la mort et à la dimension mystique de l'existence.
En février 2023, au Collège des Bernardins à Paris, Laurent Grasso présentait ses tableaux, sculptures et installations mystiques autour du thème mystérieux “Anima”, inspiré par son dernier film tourné en Alsace. L'artiste, passionné par la vision, la surveillance et le pouvoir, utilise des motifs de branches métalliques et de néons avec des yeux suspendus, évoquant la transition entre différents états d'être. Le projet de Grasso a été choisi parce qu’il mêle recherches scientifiques et croyances populaires, parce qu’il aborde des sujets tels que les forces telluriques, les phénomènes naturels et un regard énigmatique. Grasso a su créer une atmosphère où l'humain et le non-humain, le végétal et l'animal, ainsi que le visible et l'invisible se rencontrent dans un espace semblable à un laboratoire de vibrations et d'ondes mystiques.
Un autre exposition inédite pour les six grandes tapisseries de la Dame à la licorne qui se retrouvent exposées fin 2021 au musée des Abattoirs à Toulouse, avec des œuvres d'art contemporain. Les tapisseries, qui évoquent les cinq sens et laissent la symbolique de la dernière intitulée, "Mon seul désir"ouverte à toute interprétation, sont décrites comme une source d'inspiration pour les artistes contemporains intéressés par le féminisme, la relation au non-humain et l'écologie.
En exposant ce chef-d'œuvre médiéval de la Dame à la licorne auprès d’artistes qui s'approprient ses thématiques, l'objectif visait à montrer cette résonance avec notre époque :
Rebecca Horn (artiste allemande née en 1944) et ses êtres hybrides mi-femme, mi-licorne qui mêlent des éléments médiévaux, tels que la symbolique de la licorne, avec des questions contemporaines sur la sensualité, la mobilité et l'identité, et
Will Cotton (artiste américain né en 1965) et son cow-boy pop chevauchant une licorne rose. Peintre reconnu pour ses œuvres hyper réalistes au savant mélange entre un univers enfantin et une dimension plus adulte et érotique “à la licorne” utilise la subtilité de la publicité pour aborder des thèmes sérieux et actuels.
Nous pouvons citer de même des artistes tels que Julien Des Monstiers ou Lauren Coullard dont la réappropriation de l'imaginaire médiéval s'inscrit à la fois dans une quête de connexion avec un passé lointain, mais aussi dans une volonté de questionner les valeurs et les idéologies de notre temps.
L'exposition "Make it new. Conversations avec l’art médiéval" à la Bibliothèque nationale de France illustre parfaitement cette interaction. Jan Dibbets (1941) - artiste néerlandais connu pour ses photographies et les vitraux de la Cathédrale de Blois - a été invité à organiser en 2019 une exposition qui juxtapose des manuscrits enluminés de la Louange à la sainte croix de Raban Maur datant du IXe siècle, avec des œuvres d'artistes contemporains.
Afin de mettre en lumière ce dialogue entre passé et présent, Jan Dibbets a choisi les artistes associés à l'art conceptuel, l’art minimaliste et au land art : Carl Andre, Donald Judd, Sol LeWitt, Alan Charlton, Ad Dekkers, Richard Long, François Morellet, Niele Toroni et Franz Erhard Walther.
Ces artistes se sont inspirés de l'art médiéval non figuratif pour explorer des questions esthétiques fondamentales liées à la représentation de l'espace, l'expérimentation autour de la forme graphique de l'écrit, et la sérialité des formes.
Suite à cette exposition, des questions portant sur -“l’art médiéval est-il contemporain?” “Comment et pourquoi l’art du Moyen Âge, et en particulier l’art alto-médiéval, a-t-il irrigué la création contemporaine depuis les années 1950 ?” et “Que lui a-t-il apporté ?” - ont été traitées lors de quatre journées d’étude en partenariat avec le Centre André Chastel, la Bibliothèque nationale de France et la Galerie Jocelyn Wolff. Je vous invite à écouter la première journée d’étude par ce lien : Journée d’étude 1
Réflexion
En somme, ces diverses approches artistiques révèlent que les œuvres d'art médiévales et contemporaines ne sont pas des entités séparées par des siècles d'histoire de l'art, mais plutôt des points sur un continu créatif qui partagent des préoccupations communes, inspirent, défient et enrichissent notre compréhension de l'art et de son potentiel à travers le temps.
Petit mot 🙋♀️ Et la semaine prochaine ?
Nous voici à la fin.
J’espère que cette dense newsletter vous a plu
Merci encore 💟 aux personnes qui partagent ma newsletter ou qui me soutiennent en me mettant à chaque fois un petit coeur avec leur coeur.
Et la semaine prochaine ?
Je vous parlerai de la période de “réveil artistique” où les œuvres de Léonard de Vinci et Michel-Ange, bien que révolutionnaires, suscitaient débats et incompréhensions.
À très vite,
Cécile 💟